À la vie à la mort !

Critique cinéma: Rembobimage

La « solidarité sainte de l’artisanat »

Par Fabrice Venturini

À l’Estaque, faubourg de Marseille, le cabaret Le Perroquet Bleu sert de refuge et de point de repère à des personnages aux sensibilités contrastées. Leur vrai quotidien, c’est la communauté qu’ils y forment ensemble, pour le meilleur et pour le pire, avec le constant souci de « garder la tête hors de l’eau… ». Film pur et rare, À la vie, à la mort ! est un de ceux dont on aime dire qu’ils sont de circonstance ; de ceux qui résonnent comme une évidence, sans polémique ou sans partisan…
Ici, tout commence et tout finit par Le Perroquet Bleu ; et c’est pour nous montrer la vie, toute la vie, mais en mieux, car Robert Guédiguian n’aime pas les fausses notes. Avec son sens aigu de l’errance intérieure, il nous invite à un voyage hors du commun, au milieu de Marseille, au cœur du désir, aux confins du hasard. Si ses personnages sentent bon la Méditerranée, c’est par souci de ne pas trahir ; car son identité, c’est sa fidélité. Fidélité à l’écriture et au cinéma tout d’abord (le rôle principal est tenu par Gérard Meylan, un ami d’enfance de Robert Guédiguian). À la vie, à la mort ! est en effet son sixième long métrage, mais n’allez pas lui demander si tout est dit, il sourira, et vous fera comprendre, avec la modestie qui le caractérise, qu’il poursuit sa route, que ses personnages ne sont pas morts avec ce film, qu’il leur reste beaucoup à nous dire et à nous faire partager. Car chez Robert Guédiguian, on n’est jamais « assez généreux » ; tant qu’il reste une ombre d’humanité, on  a toujours plus à donner. Guédiguian, c’est le revers des idées reçues : chez lui, pas de haine, pas de vengeance, pas de gratuité. Si l’on aime, c’est que l’on vit, et si l’on vit, c’est que l’on aime ; même si pour cela, il faut parfois « franchir le pas ».

Entretien : Robert Guédiguian parle de son film

F. V. : Votre film est très symbolique à bien des égards, quel est son objet selon vous ?
R. G. : L’intention première du film, c’était le désir de montrer la force des faibles, la vitalité du chiendent, en fait, de montrer un groupe d’individus de tous âges, des gens qui vivent difficilement les conditions de vie qui leur sont proposées aujourd’hui. Donc, des gens surendettés, qui sont au chômage depuis longtemps, alors qu’ils sont la plupart du temps qualifiés, etc. Et de montrer qu’ils demeurent généreux entre eux jusqu’à se sacrifier pour les autres, pour perpétuer leur espèce… Et tout ça alors que le problème essentiel évoqué aujourd’hui au cinéma concerne les jeunes. Je crois qu’on peut aussi très tranquillement parler de gens qui ont quarante ans, qui sont au milieu de leur vie. La question de la perpétuation est d’ailleurs une question centrale dans le film.
F. V. : D’où le titre !
R. G. : Bien sûr, puisqu’il indique à la fois que cette question-là est posée dans le film, et qu’elle est centrale, et que les gens sont unis à la vie, à la mort. À la vie, à la mort, c’est une expression comme ça, quand on jure et quand on est gamin… !
F. V. : Il y a donc un côté emblématique ?
R. G. : Oui, comme pour sceller un pacte, un serment…
F. V. : Mais c’est aussi un film sur l’exil intérieur ?
R. G. : Oui, mais en même temps, il est clair aussi que tout ça est induit et provoqué par un pays, une ville qui est en crise profonde. C’est-à-dire que cet état de fait est directement lié à la difficulté de vie qu’ont ces gens-là.
F. V. : Et la musique du film, qui est classique, est-ce pour conférer aux images une dimension intemporelle ?
R. G. : Je mets toujours de la musique classique, en fait, pour des raisons effectivement liées à cela. Je crois que ce que j’aime dans la musique classique au cinéma, c’est que c’est intemporel. J’ai même souvent utilisé un morceau de musique classique comme un thème récurrent, ce qui me semblait là aussi tenir un discours un peu emblématique sur le film, pour attirer le film vers un certain niveau de lecture, pour que les gens n’oublient pas d’y lire ce que je veux qu’on y lise ; ce qui est quand même un second degré, puisque je raconte toujours des histoires, et j’y tiens beaucoup, qui sont lisibles au premier degré. Mais j’aime aussi qu’on puisse y trouver d’autres strates, d’autres directions de lecture…
F. V. : On trouve justement deux « triangles », deux configurations dans les relations entre les personnages du film. Et en dehors de cela, une espèce de sur-marginalité entre les deux derniers personnages dépeints…
R. G. : Bien sûr, tout est évidemment combiné de cette manière-là, puisqu’on peut tout lire après. C’est vrai que ce sont des rapports qui s’entremêlent et peuvent se recouper, la problématique étant toujours la même.
F. V. : Et tout cela sans oppositions manichéennes. Il n’y a pas le bien d’un côté et le mal de l’autre. On trouve toujours cette « solidarité sainte de l’artisanat » dont parle Brassens finalement ?
R. G. : Oui, il y a de cela, puisque la vie c’est comme ça. Ce sont des comportements qui dans la réalité ne sont pas contradictoires.
F. V. : On trouve dans le scénario, qui est très beau, de très belles inventions issues du langage quotidien : le CUL par exemple, qui devient : « Caresse, Union et L’aile d’un ange », parmi d’autres d’ailleurs.
R. G. : Oui, effectivement, l’écriture du scénario a sa propre dimension de lecture.
F. V. : Et l’aspect pictural, pourquoi l’évocation de Goya alors que dans le Sud vous avez des peintres qui pourraient très bien exprimer ce genre de situation ?
R. G. : Là aussi, je dirais, c’est pour charger l’allégorie. C’est utiliser des références pour traduire une métaphore de toute résistance ; mais en même temps je n’y insiste pas, il n’y a pas de plan fixe de ça. Le personnage est vu à genoux, mais en suspension…
F. V. : Peut-on parler d’une horizontalité de la foi dans ce film, où l’homme croit à l’homme ?
R. G. : Oui, c’est très juste…
F. V. : Vous aimez par ailleurs dénoncer l’image unique. Vous sentez-vous proche en ce sens d’un Wim Wenders ?
R. G. : C’est un grand cinéaste, en effet, mais je dis cela parce que le cinéma est noyé en tant qu’œuvre, et dilué dans l’industrie audiovisuelle de programmes ; donc, l’œuvre existe de moins en moins. Je suis quelqu’un de très sincère, et en ce sens, je suis dans la problématique de Wenders, qui a « renoncé à faire des films ». Si faire des films, c’est ce qu’on voit à longueur de temps à la télévision, c’est ridicule… Ça n’a plus de sens. Mais je ne suis pas si pessimiste que cela, il existe des cinéastes qui essaient de faire des images. Le monde est original et il faut montrer des réalités différentes.
F. V. : Et maintenant, vos projets ?
R. G. : J’écris autre chose, mais j’ai envie de continuer avec ces personnages-là. J’imagine en fait ce qui s’est passé un an plus tard pour eux…
À la vie, à la mort ! de Robert Guédiguian, avec Ariane Ascaride, Jacques Boudet, Jean-Pierre Darroussin, Jacques Gamblin, Gérard Meylan, Jacques Meylan, Jacques Pieiller, Pascale Roberts.

Fabrice Venturini

 

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