Bacon Giacometti Fondation BEYELER Suisse

MUSEES - FONDATIONS - INSTITUTIONS

Bacon – Giacometti

29 avril – 2 septembre 2018
Fondation BEYELER
Baselstrasse 101
4125 Basel
Suisse
https://www.fondationbeyeler.ch/fr/ 

Avec Alberto Giacometti et Francis Bacon, la Fondation Beyeler présente à partir du 29 avril 2018 deux protagonistes d’exception de l’art moderne, tant amis que rivaux, dont la vision a fortement influencé l’art de la deuxième moitié du 20ème siècle à aujourd’hui. C’est la toute première fois qu’un musée consacre une exposition conjointe à ces deux artistes, éclairant leurs rapports et leurs relations. Aussi différentes que leurs oeuvres puissent sembler à première vue, ce face-à-face inattendu fait apparaître des correspondances surprenantes. L’exposition comprend des oeuvres célèbres des deux artistes, complétées par des oeuvres rarement exposées. A noter plus particulièrement, une série de plâtres originaux en provenance de la succession de Giacometti jamais encore dévoilés au grand public, ainsi que quatre grands triptyques de Bacon. Une salle multimédia propose des aperçus spectaculaires des ateliers des deux artistes. L’exposition est organisée par la Fondation Beyeler en collaboration avec la Fondation Giacometti, Paris.

Le peintre britannique et le sculpteur suisse se sont rencontrés au début des années 1960 au travers d’une amie commune, l’artiste Isabel Rawsthorne. En 1965, leur relation était déjà telle que Bacon avait rendu visite à Giacometti à la Tate Gallery à Londres lorsque ce dernier y installait son exposition. Une série de clichés du photographe anglais Graham Keen documente cette rencontre, montrant les deux artistes en intense conversation. Plus d’un demi-siècle plus tard, les deux artistes sont réunis à la Fondation Beyeler et ce double portrait photographique ouvre l’exposition.

Alberto Giacometti und Francis Bacon, 1965 Tirage gélatino-argentique © Graham Keen

Alberto Giacometti und Francis Bacon, 1965 Tirage gélatino-argentique © Graham Keen

Alberto Giacometti, L'homme qui marche II, 1960 Plâtre 188.5 x 29.1 x 111.2 cm Coll. Fondation Giacometti Paris © Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
Alberto Giacometti, L'homme qui marche II, 1960
Plâtre 188.5 x 29.1 x 111.2 cm
Coll. Fondation Giacometti Paris
© Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
 
 Le face-à-face inattendu fait apparaître des correspondances surprenantes
Les commissaires d’exposition Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti à Paris, Michael Peppiatt, spécialiste et ami de Bacon, et Ulf Küster, commissaire d’exposition à la Fondation Beyeler, font apparaître à travers la centaine d’oeuvres réunies dans cette vaste exposition des correspondances étonnantes. Bacon et Giacometti avaient en commun une foi inébranlable en l’importance de la figure humaine. Tous deux ont intensément étudié, copié et paraphrasé les grands maîtres du passé. Tous deux s’intéressaient au défi de la représentation de l’espace en deux et en trois dimensions, intégrant à leurs oeuvres des structures en forme de cage afin d’isoler les figures dans leur environnement. Ils traitaient tous deux du corps fragmenté et déformé, et partageaient une obsession pour le portrait et la représentation de l’individualité humaine qui s’y rattache. Tous deux se proclamaient «réalistes». Et s’ils se référaient toujours à la figure humaine, ils en ont chacun à sa manière poussé l’abstraction à l’extrême, remettant ainsi en cause l’opposition entre figuration et abstraction, si centrale pour l’art moderne.
Les neuf salles thématiques de l’exposition présentent les oeuvres de Giacometti et de Bacon côte à côte, faisant apparaître clairement les différences mais aussi les points communs des deux artistes; leurs particularités sont soulignées, ainsi les couleurs souvent vibrantes de Bacon et le gris hautement différencié qui caractérise le travail de Giacometti. Le parcours débute avec des portraits de l’artiste Isabel Rawsthorne, amie proche tant de Giacometti que de Bacon et un temps amante de Giacometti. Elle a posé pour les deux artistes et leur a servi à tous deux de muse. Les deux artistes l’ont représentée de manière singulièrement outrancière: considérée à distance changeante par Giacometti et mise en scène en tant que furie et femme fatale par Bacon.
 
Francis Bacon, Portrait of Isabel Rawsthorne Standing in a Street in Soho, 1967 Huile sur toile 198 x 147 cm Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie. 1967 acquis par la ville de Berlin © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich Photo : © bpk / Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin / Jörg P. Anders
Francis Bacon, Portrait of Isabel Rawsthorne Standing in a Street in Soho, 1967
Huile sur toile 198 x 147 cm
Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie. 1967 acquis par la ville de Berlin
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Photo : © bpk / Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin / Jörg P. Anders
 
Toute leur vie, Giacometti et Bacon ont travaillé à la représentation de figures dans l’espace, Giacometti en sculpture et Bacon en peinture. C’est à cet aspect de leur travail qu’est consacrée la salle suivante.
Giacometti a construit tout une série de structures, dont La Cage (1950), exposée ici en version de plâtre et en bronze. Deux autres constructions spatiales de Giacometti sont présentées. La légendaire Boule suspendue (1930) est une des sculptures surréalistes les plus célèbres; de construction aussi simple que sa charge érotique est forte, elle a stimulé l’imaginaire de générations d’amateurs d’art. L’exposition présente par ailleurs le plâtre original de l’oeuvre Le Nez (1947-49), tête suspendue dans une cage métallique, la bouche figée en cri, le nez démesurément allongé, qui évoque immanquablement le personnage de Pinocchio. Bacon, lui, plaçait souvent ses figures peintes dans des constructions spatiales illusionnistes afin, disait-il, de mieux canaliser l’attention sur elles. Comme l’avait noté Louise Bourgeois, cela rendait ses images «extrêmement sculpturales». Dans cette salle, Figure in Movement (1972), oeuvre rarement exposée de Bacon issue d’une collection privée, attire particulièrement le regard: au centre, une créature anthropomorphe difficile à définir, que la «cage» dans laquelle elle se trouve fait paraître singulièrement dynamique et plastique.
Les structures spatiales dans lesquelles semblent se situer de nombreuses figures de Bacon symbolisent l’emprisonnement de l’homme dans un maillage de répression et de contrainte, dont l’expression jaillit dans le cri. C’est le thème de la salle suivante. S’appuyant sur deux modèles historiques, Bacon n’a jamais cessé de sonder les formes d’expression des contraintes intérieures, de la douleur psychique et physique.
D’une part, il a été inspiré par le Portrait du pape Innocent X (1650) de Velázquez, à ses yeux une image de la répression et de l’abus de pouvoir élevée au rang d’icône. D’autre part, il a paraphrasé à plusieurs reprises le célèbre plan de l’infirmière hurlante frappée d’une balle à l’oeil dans le film de Sergueï Eisenstein Le Cuirassé Potemkine (1925). Il a souvent combiné ces deux images, ainsi dans Study for Portrait VII (1953) du Museum of Modern Art de New York et Figure with Meat (1954) du Art Institute de Chicago, présentées dans l’exposition.
 Francis Bacon, Study for Portrait VII, 1953 Huile sur toile 152.3 x 117 cm Gift of Mr. and Mrs. William A.M. Burden. Acc. N.: 254.1956. © 2017. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence. © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Francis Bacon, Study for Portrait VII, 1953
Huile sur toile 152.3 x 117 cm
Gift of Mr. and Mrs. William A.M. Burden. Acc. N.: 254.1956. © 2017. Digital image,
The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
 
Les peintures de Bacon font face à une sélection de portraits peints et sculptés de Giacometti de réalisation plus tardive. Si l’expressivité et l’extraversion compulsive des images de Bacon happent
immédiatement le spectateur, la réserve des portraits de Giacometti n’est pas moins hypnotique: ses figures illustrent elles aussi une situation forgée par la contrainte, elles semblent porter la marque de la pression exercée par l’artiste sur ses modèles en les obligeant à une immobilité absolue. Cette pression se retournait aussi contre Giacometti lui-même qui – maudissant sa supposée impuissance – repartait encore et toujours de zéro jusqu’à obtenir des portraits de réduction radicale et de densité extrême, tels Annette assise dans l’atelier (vers 1960), un prêt de la Fondation Giacometti de Paris.
L’échec continu de Giacometti était inscrit dans son processus de travail. S’il n’avait pas sans cesse eu l’impression d’échouer, il n’aurait peut-être pas eu l’élan de persévérer. Pour lui, le travail semble avoir été en bonne partie aussi une quête de dépassement personnel, comme s’il avait voulu se punir pour sa condition d’artiste. C’est probablement aussi vrai de Bacon, même si dans ses images l’agressivité semble se diriger principalement vers l’extérieur.
C’est dans le genre du portrait que se manifestent de la manière la plus impressionnante les obsessions artistiques des deux hommes et leur lutte autour de leur conception respective du réalisme. Dans la salle suivante, une série de sculptures de Giacometti – surtout des plâtres originaux – fait face à des portraits de petit format de Bacon. Ces derniers incluent quatre petits triptyques dont la forme est inspirée de retables médiévaux, permettant à Bacon de représenter ses modèles sous des facettes encore plus nombreuses et de créer des effets de distanciation. L’une des plus célèbres oeuvres tardives de Giacometti, le plâtre original de Grande tête mince (1954), en fait un portrait de son frère Diego, est également présentée ici; à la fois plane et volumineuse, l’oeuvre se joue des notions de bi- et de tridimensionnalité, et donc des principes de la peinture et de la sculpture. Parmi les oeuvres de Bacon présentées dans cette salle se trouve l’extraordinaire Self-Portrait (1987), oeuvre rarement exposée issue d’une collection privée, où l’artiste semble étrangement absent, perdu dans ses pensées.
Alberto Giacometti, Grande tête mince, 1954 Plâtre peint 65.6 x 39.1 x 24.9 cm Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris © Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
Alberto Giacometti, Grande tête mince, 1954
Plâtre peint 65.6 x 39.1 x 24.9 cm
Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris
© Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
 
Dans la salle suivante, le regard tombe en premier sur un groupe de figures féminines sur pied de Giacometti, dont la plupart appartiennent aux Femmes de Venise que l’artiste avait créées pour la Biennale en 1956. Elles attirent inexorablement l’attention par leur nature extrêmement dense et concentrée: leurs surfaces rugueuses et fragmentées sont difficiles à saisir, il en émerge une impression de calme dynamique. Il en est de même et plus pour les figures conçues par Giacometti au début des années 1960 pour la Chase Manhattan Plaza à New York, projet qui ne sera jamais réalisé. L’oeuvre la plus importante de Giacometti dans cette salle est la version de plâtre de l’iconique Homme qui marche II de 1960, exposée avec la version de bronze de la collection Beyeler.
Cette salle présente également une sélection de triptyques saisissants de Francis Bacon et certains de ses tableaux grand format. Tout comme Giacometti, Bacon semble avoir joué avec l’idée de dynamiter les limites traditionnelles de l’image: l’objectif était la représentation d’une dynamique, la transmission d’un mouvement se déclarant au spectateur, sans égard pour l’impossibilité d’un tel projet dans une oeuvre statique. Parmi ces études de mouvement peintes se démarque tout particulièrement le triptyque Three Studies of Figures on Beds (1972), en provenance de la collection familiale Esther Grether. Bacon se sert ici de flèches circulaires, au moyen desquelles il souligne le sens du mouvement des trois groupes de figures entremêlées.
L’avant-dernière salle de l’exposition a pour thème la coexistence d’intensité, de passion et d’agressivité dans l’oeuvre des deux artistes. Les profondes balafres infligées par Giacometti à ses bustes en plâtre lors de ses attaques au couteau de modelage témoignent d’une grande agressivité, dirigée peut-être contre le modèle, mais certainement contre son travail artistique et donc contre lui-même, ainsi dans le Buste d’Annette IV (1962). Des réflexions de même ordre s’imposent à la contemplation des images de Bacon: les corps semblent y avoir été déformés et les visages distordus de manière impitoyable. Il est étonnant de voir comment les deux artistes ont invalidé dans leurs oeuvres les catégories esthétiques établies. Bacon et Giacometti donnent à voir ici les faces sombres de l’existence humaine.
Francis Bacon, Lying Figure, 1969 Huile sur toile 198 x 147.5 cm Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich Photo : Robert Bayer
Francis Bacon, Lying Figure, 1969
Huile sur toile 198 x 147.5 cm
Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Photo : Robert Bayer
 
Une salle multimédia propose des aperçus spectaculaires des ateliers des deux artistes
Modestes et exigus, les ateliers de Bacon et de Giacometti étaient des lieux particuliers qui voyaient émerger du chaos des oeuvres d’art d’exception. La salle multimédia, dernière salle conçue spécialement pour l’exposition, propose un aperçu fascinant de ce cosmos: les ateliers des deux artistes sont reconstitués au moyen de photographies historiques. Deux projections immersives du designer néerlandais Christian Borstlap du studio de création «Part of a Bigger Plan» donnent à voir de manière surprenante chacun des ateliers en faisant apparaître en grandeur nature aux murs et au sol ces espaces privés – Bacon ne tolérait aucune visite dans son atelier. Les projections sont accompagnées des voix de Bacon et de Giacometti parlant de leur travail et de leur atelier. Ces montages audiovisuels permettent de retracer de manière directe et immédiate la méthode et le processus de travail des deux artistes, ouvrant accès à une dimension supplémentaire de leur oeuvre. La salle multimédia de l’exposition «Bacon – Giacometti» a bénéficié du soutien de la Fondation BNP Paribas Suisse, partenaire de la Fondation Beyeler pour la médiation multimédia.
Des plâtres originaux en provenance de la succession de Giacometti jamais encore dévoilés au grand public
Les célèbres bronzes de Giacometti sont souvent basés sur une version en plâtre. A première vue, il n’y a là rien d’exceptionnel, il s’agit simplement du processus traditionnel de conception et de réalisation d’une sculpture. Ce qui rend les plâtres de Giacometti particuliers, c’est que l’artiste a continué à les travailler: ils ne constituent donc pas une simple étape de fabrication du produit fini en bronze, mais ont leur place en tant qu’oeuvres d’art à part entière, comme en témoignent les traces de raclures, d’égratignures ou d’entailles ainsi que les colorations délicates au pinceau. 23 de ces plâtres rares, dont certains n’avaient encore jamais été exposés en raison de leur fragilité, comme par exemple le Petit Buste d’Annette (1946), sont présentés à la Fondation Beyeler. Parmi eux se trouve le plâtre original de l’Homme qui marche II (1960), dont le bronze appartient à la collection de la Fondation Beyeler, réunissant ainsi pour la première fois depuis des décennies l’ancien modèle et l’oeuvre mythique.
Quatre grands triptyques de Bacon
Francis Bacon, Three Studies for Portraits (including Self-Portrait),1969 Huile sur toile, Tryptichon 35.5 x 30.5 cm Collection privée © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Francis Bacon, Three Studies for Portraits (including Self-Portrait),1969
Huile sur toile, Tryptichon 35.5 x 30.5 cm
Collection privée
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
 
Outre In Memory of George Dyer (1971), oeuvre majeure de la collection Beyeler, l’exposition présente trois autres impressionnants triptyques grand format de Bacon, dont une oeuvre clé de sa période tardive, Triptych Inspired by The Oresteia of Aeschylus (1981), qui témoigne de son intérêt pour la mythologie grecque. La Fondation Beyeler accueillera par ailleurs Triptych (1967) du Hirshhorn Museum à Washington et Three Studies of Figures on Bed (1972), triptyque très rarement exposé de la collection familiale Esther Grether.
Ernst Beyeler entretenait des liens d’amitié avec les deux artistes
Des intellectuels contemporains tels l’auteur et ethnologue français Michel Leiris, le critique d’art et commissaire d’exposition anglais David Sylvester et le poète et écrivain français Jacques Dupin
entretenaient des relations personnelles avec Giacometti et Bacon. Ernst Beyeler a lui aussi souvent rencontré les deux artistes et évoquait leur courtoisie chaleureuse et leur charme. Il s’est particulièrement investi pour la diffusion de leurs oeuvres. Beyeler a en effet joué un rôle déterminant dans l’établissement de la Fondation Alberto Giacometti à Zurich et a consacré deux expositions de sa galerie à Giacometti, diffusant ainsi environ 350 de ses oeuvres. Il a également consacré deux expositions à Francis Bacon; environ 50 tableaux et triptyques de l’artiste britannique sont ainsi passés dans les mains de Beyeler. Les deux artistes ont en outre figuré dans de nombreuses expositions collectives de la galerie: huit pour Bacon et 38 pour Giacometti. Il n’est donc pas surprenant que des oeuvres de Bacon et de Giacometti fassent partie des pièces maîtresses de la collection Beyeler, ainsi le groupe complet des figures conçues par Giacometti pour la Chase Manhattan Plaza, dont le célèbre Homme qui marche II (1960), et l’émouvant triptyque dédié par Bacon à son amant disparu In Memory of George Dyer (1971). Quant à Lying Figure (1969), qui fait également partie de la collection,Bacon écrivait dans une lettre à Beyeler qu’il tenait cette toile pour l’une de ses meilleures oeuvres.
Prêts d’oeuvres en provenance de musées majeurs et d’importantes collections privées pour Bacon et
presque exclusivement de la Fondation Giacometti à Paris pour Giacometti
La Fondation Beyeler a pu obtenir en prêt des oeuvres de Francis Bacon auprès d’importantes collections privées et de musées majeurs du monde entier, entre autres le Art Institute de Chicago, le Museum of Modern Art de New York et le Centre Pompidou à Paris. Les prêts d’oeuvres de Giacometti proviennent pour la plupart de la Fondation Giacometti à Paris.
Ulf Küster, Catherine Grenier et Michael Peppiatt ont contribué au catalogue
L’exposition est accompagnée d’un important catalogue publié aux éditions Hatje Cantz, auquel ont contribué Ulf Küster, commissaire d’exposition à la Fondation Beyeler, Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti à Paris, Michael Peppiatt, spécialiste de Bacon et ami proche de l’artiste, ainsi que Hugo Daniel et Sylvie Felber.
Autres expositions de Bacon ou de Giacometti à la Fondation Beyeler

En collaboration avec le Kunsthistorisches Museum de Vienne, la Fondation Beyeler avait organisé 2004 l’exposition «Francis Bacon und die alten Meister», éclairant la relation qu’entretenait Bacon avec
certains de ses prédécesseurs artistiques. En 2009, une rétrospective majeure avait été consacrée à Alberto Giacometti, prenant pour point de départ son contexte familial et incluant également des oeuvres de son père et de son frère Diego. Au fil des années, la Fondation Beyeler a par ailleurs régulièrement orchestré des rencontres entre les oeuvres de Bacon et de Giacometti dans la présentation de ses collections.

L’exposition « Bacon – Giacometti » est soutenue par :
Beyeler-Stiftung
Hansjörg Wyss, Wyss Foundation
Ars Rhenia
Art Mentor Foundation Lucerne
Fondation BNP Paribas Suisse
Simone und Peter Forcart-Staehelin
Annetta Grisard
Martin und Marianne Haefner
Dr. Christoph M. et Sibylla M. Müller
Novartis
L’exposition a été organisée par la Fondation Beyeler en coopération avec la Fondation Giacometti, Paris.

Biographie d’Alberto Giacometti

Sylvie Felber

Giacometti en peignant dans son atelier à Paris, à côté La Grande Tête, Paris, ca. 1957 Photo de Ernst Scheidegger © 2018 Stiftung Ernst Scheidegger-Archiv, Zürich
Giacometti en peignant dans son atelier à Paris, à côté La Grande Tête, Paris, ca. 1957
Photo de Ernst Scheidegger
© 2018 Stiftung Ernst Scheidegger-Archiv, Zürich
 

Alberto Giacometti naît le 10 octobre 1901 à Borgonovo dans le Val Bregaglia, aîné de quatre enfants d’une famille d’artistes. Sa mère Annetta Stampa est issue d’une famille aisée de la région et son père Giovanni est l’un des principaux représentants suisses du postimpressionnisme. Le célèbre peintre suisse Cuno Amiet devient d’ailleurs son parrain. L’intérêt que manifeste Alberto Giacometti pour les arts plastiques est donc encouragé très tôt: en 1915 il achève sa première peinture à l’huile, et un an plus tard il réalise des bustes de ses frères.1

1 Alberto Giacometti. Pionier der Moderne/Modernist Pioneer, éds. Franz Smola et Philippe Büttner, catalogue d’exposition Musée Leopold, Vienne, Vienne 2014, p. 190. Le catalogue contient une biographie pp. 190–195.

2 Cf. Catherine Grenier, Alberto Giacometti, Paris 2017, pp. 168f. et p. 176 pour le titre de l’oeuvre.

Très tôt, Giacometti sait qu’il veut devenir artiste. En 1919, il interrompt donc sa scolarité dans un établissement protestant à Schiers près de Coire afin d’étudier les beaux-arts à Genève. En 1922, le jeune Giacometti arrive à Paris, alors capitale mondiale des arts. Il y étudie le nu à la célèbre Académie de la Grande Chaumière et la sculpture auprès d’Antoine Bourdelle. En parallèle à cette formation académique, il se rend aussi souvent au Louvre afin d’y réaliser des croquis.

En 1925, Giacometti participe au Salon des Tuileries avec un torse et une tête de son frère Diego; c’est la première fois qu’il expose ses oeuvres en public. Diego suit son frère aîné à Paris. Toute sa vie, il posera pour Alberto, et à partir de 1929 il devient également son assistant. En décembre 1926, Giacometti emménage dans un nouvel atelier situé au 46 rue Hippolyte-Maindron. Il ne quittera plus ce modeste et minuscule lieu de travail. En 1926, Giacometti expose Le Couple (1926) au Salon des Tuileries et un an plus tard Femme-cuillère (1927). En 1929, l’écrivain et ethnologue français Michel Leiris consacre un article dithyrambique à Giacometti dans la revue Documents. Mais malgré l’attention croissante que lui valent ses premières expositions et l’article de Leiris, Giacometti ne rencontre dans un premier temps que peu de succès en tant qu’artiste. Avec Diego, il conçoit donc à partir de 1930 des objets d’art décoratif pour différents clients, principalement des vases, des lampes ou des bougeoirs pour le décorateur Jean-Michel Frank.

La sculpture Boule suspendue (1930), exposée à la Galerie Pierre à côté d’oeuvres de Joan Miró et Jean Arp, marque un premier tournant dans la carrière de Giacometti. Il attire l’attention des surréalistes réunis autour d’André Breton et de Salvador Dalí et rejoint le groupe un an plus tard. Sa première exposition personnelle se tient en 1932 à la Galerie Pierre Colle à Paris et obtient des critiques favorables. Malgré ce succès, suite au décès de son père Giovanni en 1933, Giacometti quitte Paris pour quelques mois et retourne à Stampa afin d’y aider sa mère Annetta à régler la succession.

Alberto Giacometti, Caroline, 1961 Huile sur toile 100 x 82 cm Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Beyeler Collection © Succession Alberto Giacometti 2018, ProLitteris, Zurich Photo : Robert Bayer
Alberto Giacometti, Caroline, 1961
Huile sur toile 100 x 82 cm
Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Beyeler Collection
© Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
Photo : Robert Bayer
 

Au tournant des années 1934/35, la Julien Levy Gallery à New York organise une première exposition de Giacometti aux Etats-Unis réunissant douze oeuvres. A cette époque, il commence à travailler d’après modèle et crée des bustes et des études de têtes. Cette quête de représentation de la réalité mène à la rupture avec les surréalistes et à son exclusion du groupe. En 1935, Giacometti rencontre l’artiste anglaise Isabel Nicholas (future Rawsthorne), qui lui sert de modèle pour deux têtes (Tête d’Isabel, 1936 et vers 1937/38). C’est aussi à cette époque qu’il s’essaie pour la première fois à la figure complète et développe des recherches liées à la perspective. En 1936, Giacometti participe à la International Surrealist Exhibition aux New Burlington Galleries à Londres et le Museum of Modern Art de New York est le premier musée à acquérir l’une de ses oeuvres, Le Palais à 4 heures du matin, 1932. Le 19 octobre 1938, Giacometti est renversé par une voiture: blessé au pied, il en gardera à vie une légère claudication.

Alberto et Diego Giacometti passent la première année de la Seconde Guerre mondiale à Paris. Durant les années de guerre qui s’ensuivent, Diego veille sur l’atelier tandis qu’Alberto quitte Paris pour Genève en décembre 1941. La plupart des sculptures réalisées à cette époque (bustes et figures complètes) sont minuscules. Une oeuvre de grande taille fait figure d’exception: Femme au chariot (vers 1943) représente 2 de mémoire Isabel Rawsthorne. L’oeuvre annonce les figures debout que Giacometti créera après la guerre.
A Genève, Giacometti fréquente entre autres Albert Skira, éditeur de la revue Labyrinthe à laquelle il contribue dessins et articles. En 1943, Giacometti fait la rencontre d’Annette Arm, qu’il épouse six ans plus tard et qui deviendra l’un de ses modèles principaux.

A la fin de la guerre en 1945, Giacometti retourne à Paris. Dans les années difficiles de l’après-guerre, l’art et les objets de design n’ont que peu de valeur, ce qui entraîne des difficultés financières pour les frères Giacometti. Une séance de cinéma en 1945 conduit Giacometti à se confronter à la perception de la relation de la figure à l’espace. Ses réflexions débouchent sur un nouveau style de figures hautes et filiformes. Leurs socles imposants ne relèvent pas seulement d’une nécessité conceptuelle mais représentent aussi l’espace habité par la figure. En 1947, Giacometti crée une série de figures féminines grandeur nature, de premières figures complètes masculines et des oeuvres telles Le Nez. En 1948, la Pierre Matisse Gallery organise à New York une exposition personnelle qui rencontre un succès important.
Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930 Plâtre et métal 61 x 36 x 33.5 cm Kunstmuseum Basel, Depositum de la Fondation Alberto Giacometti © Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich Photo : © Kunsthaus Zürich
Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930
Plâtre et métal 61 x 36 x 33.5 cm
Kunstmuseum Basel, Depositum de la Fondation Alberto Giacometti
© Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
Photo : © Kunsthaus Zürich
 

Le catalogue qui l’accompagne contient l’essai de Jean-Paul Sartre « La Recherche de l’absolu ». Giacometti avait rencontré Sartre et Simone de Beauvoir fin des années 1930 ou début des années 1940 et une amitié étroite le lie au couple de philosophes. En 1949, la Tate Gallery est le premier musée européen à acquérir une oeuvre de Giacometti (L’Homme qui pointe, 1947).

Au milieu des années 1950, Giacometti rencontre en la personne du professeur de philosophie japonais Isaku Yanaihara un nouveau modèle, qu’il représentera dans plusieurs portraits et sculptures entre 1956 et 1961. En parallèle, il travaille en continu à représenter Diego et Annette et cherche toujours à donner à ses sculptures « un volume nouveau et une monumentalité hiératique »3. Dans les années 1950, Giacometti connaît une notoriété croissante. Une deuxième exposition à la Pierre Matisse Gallery en 1950 est suivie un an plus tard par sa première exposition personnelle à la Galerie Maeght à Paris. En 1955, trois rétrospectives au Solomon R. Guggenheim Museum à New York, au Arts Council à Londres et dans trois villes en Allemagne de l’Ouest attestent du rayonnement artistique international de Giacometti. En 1956, il représente la France à la Biennale de Venise et y montre une série de grandes figures féminines élancées, les Femmes de Venise. La même année, la Suisse lui rend également hommage avec une rétrospective à la Kunsthalle de Berne. En 1958, il obtient la commande prestigieuse de créer pour Chase Manhattan Plaza à New York un groupe de sculptures: Giacometti conçoit entre 1958 et 1960 un homme en marche, une femme debout et une grande tête, mais le projet ne verra finalement pas le jour.

3 Alberto Giacometti 2014 (cf. note 1), p. 194 [trad. M. Capelle]

4 The Women of Giacometti, catalogue d’exposition Pace Wildenstein, New York; Nasher Sculpture Center, Dallas, New York 2005, p. 21.

A la fin des années 1950, Giacometti rencontre à Paris Yvonne Poiraudeau (mieux connue sous le nom de Caroline), qui posera dorénavant pour lui (ainsi pour le tableau Caroline, 1961).4 C’est également à Paris que Giacometti est abordé par le jeune Francis Bacon. En 1961, l’artiste conçoit le décor – un seul arbre en plâtre – pour une nouvelle mise en scène d’En attendant Godot de Samuel Beckett à l’Odéon à Paris. La même année, sa quatrième exposition personnelle à la Galerie Maeght rencontre un vif intérêt et un grand succès. La carrière de Giacometti est à son apogée: en 1962, les organisateurs de la Biennale de Venise l’invitent à exposer dans le pavillon principal un groupe de peintures et de sculptures, qui lui valent le Grand Prix de sculpture. A l’automne, Giacometti se rend à Londres où la Tate prévoit une grande rétrospective pour 1965. Il y revoit Isabel Rawsthorne et Francis Bacon. Giacometti et Bacon se vouent une grande admiration mutuelle. A Zurich se prépare en même temps une grande rétrospective au Kunsthaus prévue pour l’hiver 1962.

L’état de santé de Giacometti est préoccupant. Fumeur invétéré, il souffre depuis des années de bronchite chronique. Le manque de sommeil et la forte consommation de café et d’alcool qui rythment sa vie nuisent également à sa santé. En 1963, il est opéré d’un cancer de l’estomac. Un an plus tard, sa mère Annetta décède à 92 ans, entourée de sa famille à Stampa. De retour à Paris, le photographe Eli Lotar devient l’ultime modèle de Giacometti. L’artiste l’immortalise entre autres dans les oeuvres Tête d’homme (Lotar I) (1964/65) et Eli Lotar III (assis) (1965).

Alberto Giacometti, Le Nez, 1947-49 Plâtre 43,6 × 9 × 61,6 cm Fondation Giacometti, Paris © Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
Alberto Giacometti, Le Nez, 1947-49
Plâtre 43,6 × 9 × 61,6 cm
Fondation Giacometti, Paris
© Succession Alberto Giacometti / 2018, ProLitteris, Zurich
 

En 1964, le couple de collectionneurs et de galeristes Marguerite et Aimé Maeght inaugure la Fondation Maeght sur la Côte d’Azur, dont une cour centrale est consacrée aux sculptures de Giacometti. La même année, à la co-initiative d’Ernst Beyeler, des collectionneurs et mécènes suisses se réunissent pour racheter l’importante collection d’oeuvres de Giacometti assemblée à Pittsburgh par l’industriel G. David Thompson. Elle sera la base de la Fondation Alberto Giacometti créée un an plus tard.5 En 1965 s’ensuit un nouveau séjour à Londres à l’occasion du vernissage de l’exposition à la Tate Gallery. D’autres rétrospectives ont lieu au Musée Louisiana près de Copenhague et au Museum of Modern Art de New York. Pour cette dernière, Giacometti se rend aux Etats-Unis pour la première fois de sa vie. A l’automne de cette même année, le réalisateur suisse Ernst Scheidegger consacre un film-portrait à l’artiste. En décembre 1965, Giacometti quitte Paris une dernière fois et retourne à Stampa. Il meurt d’une péricardite le 11 janvier 1966 à l’hôpital cantonal de Coire, ce qui met abruptement fin à l’amitié naissante entre Bacon et Giacometti. A la Fondation Giacometti créée en 1965 à Zurich vient s’ajouter en 2003 la Fondation Giacometti à Paris, légataire universelle d’Annette, décédée en 1993.

5 Grenier 2017 (cf. note 2), pp. 297f.

Sources:

http://giacometti-stiftung.ch/index.php?sec=alberto_giacometti&page=biografie&language=de [dernier accès: 18.01.2018].
http://www.fondation-giacometti.fr/fr/art/16/decouvrir-l-oeuvre/97/alberto-giacometti/98/reperes-biographiques/ [dernier accès: 18.01.2018].
• Catherine Grenier, Alberto Giacometti, Paris 2017.
• Reinhold Hohl, Giacometti. Eine Bildbiographie, Ostfildern 1998.
• Biographie de Giacometti dans: Giacometti, catalogue d’exposition Le Fonds Hélène et Edouard Leclerc, Landerneau, Paris
2015, pp. 214f.
• Biographie de Giacometti dans: Giacometti. L’oeuvre ultime, catalogue d’exposition Galerie Lympia, espace culturel du
Département des Alpes-Maritimes, Nice, Gand 2017, pp. 152–159.
• James Lord, Giacometti. A Biography, New York 1985.

Citations

Alberto Giacometti

« Pour moi, l’art n’est qu’un moyen de savoir comme je vois le monde extérieur. »

« Et en même temps je sais, que… elle [l’art] ne peut jamais être qu’un échec. Mais en réalité, cela n’est à
travers l’échec même qu’on peut s’approcher un peu. C’est à dire que le fait de réussir ou rater, cela n’a
plus aucun sens. »

« Alors on croit toujours qu’on comprend un petit peu de plus, c’est ça que vous fait courir, c’est comme le
sucre devant le cheval, non ? On a toujours l’illusion d’avancer.

Et puis on a l’impression toujours de l’urgence du temps, trop de choses à faire. On voudrait quand-même
arriver à comprendre quelque chose. Donc j’ai plus que jamais envie de travailler. »

Source : dans le Film Un homme parmi les hommes, 1963. Réalisation: Jean-Marie Drot

Biographie de Francis Bacon

Sylvie Felber

Francis Bacon's 7 Reece Mews studio, London, 1998 Photographed by Perry Ogden © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Francis Bacon's 7 Reece Mews studio, London, 1998
Photographed by Perry Ogden
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
 

Francis Bacon naît le 28 octobre 1909 à Dublin, deuxième d’une fratrie de cinq enfants. Son père Anthony Edward (« Eddy ») Mortimer Bacon est un ancien major de l’armée britannique reconverti dans l’élevage de chevaux. Sa mère, Christina Winifred Loxley Firth, est issue d’une famille d’industriels aisés. Bacon entretient des relations compliquées avec ses parents; elles sont particulièrement houleuses avec son père, homme autoritaire et violent. Son enfance est marquée par de nombreux déménagements en Irlande et de brefs séjours en Angleterre, par exemple pendant la Première Guerre mondiale. Bacon souffrira par ailleurs toute sa vie d’asthme chronique et sa scolarité s’en ressent. Il prend conscience de son homosexualité au cours de son adolescence, ce qui occasionne de fortes tensions avec son père. En 1926, lorsque celui-ci surprend le jeune homme de 16 ans en train d’essayer les sous-vêtements de sa mère, il le renvoie du domicile familial.

Les années 1926 à 1928 sont des années d’itinérance: le jeune artiste vit à Londres, à Berlin et à Paris. Ces deux derniers séjours sont des expériences décisives pour Bacon: il se jette à corps perdu dans la vie nocturne trépidante de Berlin et y aurait vu pour la première fois Le Cuirassé Potemkine (1925) de Sergueï Eisenstein.1 Bacon reviendra directement sur ce chef-d’oeuvre cinématographique dans Study for the Nurse in the Film Battleship Potemkin (1957). Après Berlin s’ensuit un séjour de trois mois à Chantilly et à Paris, où Bacon apprend le français et visite les galeries et les musées. Le Massacre des innocents de Nicolas Poussin (vers 1627/28) au Château de Chantilly (aujourd’hui Musée Condé) impressionne profondément le jeune Bacon: il qualifiera plus tard l’oeuvre de « probablement le meilleur cri en peinture »2.

1 Michael Peppiatt, Francis Bacon. Anatomie eines Rätsels, Cologne 2000, p. 39. Suivant le catalogue d’exposition Haus der Kunst, Bacon ne voit le film pour la première fois qu’en 1935 (Francis Bacon, catalogue d’exposition Haus der Kunst München, Ostfildern 1996, p. 288). Ce catalogue contient une biographie pp. 282-313.

2 David Sylvester, Gespräche mit Francis Bacon, nouvelle édition augmentée, Munich et New York 1997, p. 35.

Une exposition de dessins de Picasso à la Galerie Paul Rosenberg à Paris à l’été 1927 mène Bacon à commencer à peindre de manière autodidacte. De retour à Londres, Bacon travaille comme dessinateur de meubles et décorateur. Influencé par le cubisme et le surréalisme, il continue néanmoins à peindre. En novembre 1930, il expose quelques oeuvres dans une petite exposition collective. Malgré ces rapides progrès, Bacon ne parvient réellement à s’établir ni en tant que décorateur ni en tant qu’artiste. Il connaît alors une phase d’instabilité et d’incessants changements de domicile. En 1933, il trouve un arrangement domestique peu conventionnel et s’installe à Chelsea avec Jessie Lightfoot, son ancienne gouvernante.

C’est aussi en 1933 que Bacon peint ses premières oeuvres affranchies de ses influences passées, dont Crucifixion. Cette même année, il expose ses peintures dans une exposition collective à la Mayor Gallery à Londres. Les critiques sont mitigées mais Crucifixion est reproduit dans le livre influent de Herbert Read Art Now. An Introduction to the Theory of Modern Painting and Sculpture, qui paraît à la même époque.
L’année suivante, il organise lui-même une exposition personnelle dans une galerie qu’il ouvre dans un sous-sol, la Transition Gallery: l’exposition est un échec et Bacon peint de moins en moins. En 1936, il se voit refuser la participation à la International Surrealist Exhibition. Il s’ensuit une phase peu productive qui durera jusque dans les années 1940. Seules de rares oeuvres de cette période ont survécu car Bacon les détruisait souvent dans des accès d’insatisfaction rageuse. En 1940, son père décède. Déclaré inapte au service militaire en raison de son asthme, Bacon passe la Deuxième Guerre mondiale affecté à la protection civile en Angleterre.

Francis Bacon, Three Studies of Figures on Beds, 1972 Huile et plâtre sur toile, Triptychon chacun 198 x 147.5 cm Esther Grether Collection privée © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich Photo: Robert Bayer
Francis Bacon, Three Studies of Figures on Beds, 1972
Huile et plâtre sur toile, Triptychon
chacun 198 x 147.5 cm
Esther Grether Collection privée
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Photo: Robert Bayer
 

En 1944, il achève Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion, première oeuvre à attirer l’attention. Elle est achetée par Eric Hall, mécène et amant de Bacon. Deux ans plus tard, Bacon réalise
Painting 1946, qui est acheté par Erica Brausen, fondatrice de la Hanover Gallery. L’oeuvre sera ensuite exposée entre autres au Musée d’art moderne de Paris avant d’être acquise en 1948 par le Museum of Modern Art de New York. Bacon utilise souvent les produits de ces ventes pour se rendre à Monte-Carlo, où il joue au casino et possède une résidence à partir de 1946.

Les oeuvres de la fin des années 1940 telles Head I (1948) ou Head III (1949) présentent une palette réduite et monochrome, et se concentrent davantage sur des expressions de visage et des détails. Avec Head VI (1949), Bacon paraphrase une première fois le Portrait du pape Innocent X (vers 1650) du peintre espagnol Diego Velázquez. A partir du milieu des années 1940, il commence par ailleurs à peindre de manière systématique la face non traitée, non apprêtée de la toile parce qu’elle absorbe mieux la couleur et permet d’appliquer plus facilement la peinture.

A l’automne 1950, Bacon enseigne quelques semaines au Royal College of Art à Londres en tant que suppléant. En janvier 1951, il rend pour la première fois visite à sa mère, qui avait émigré en Afrique du Sud après la mort de son mari. Les animaux sauvages et les couleurs sèches de ces paysages étrangers l’enthousiasment et se retrouvent dans des oeuvres telles Man Kneeling in Grass (1952) et Chimpanzee (1955). Le décès de Jessie Lightfoot en 1951 ébranle profondément Bacon. C’est le début d’une nouvelle phase de nomadisme. Il change plusieurs fois de logement et d’atelier, et entreprend des voyages à Rome et à Tanger avec son nouveau compagnon Peter Lacy, rencontré en 1952.

Sa carrière est alors en plein essor. En 1953, la galerie Durlacher Brothers à New York présente sa première exposition personnelle. Au milieu des années 1950, il crée la série Man in Blue I–VII, dont les
oeuvres montrent chacune un homme en costume sombre sur fond obscur peu défini. Dans des oeuvres telles Study of a Nude (1952/53), il se penche de manière approfondie sur la représentation du nu. En 1954, il représente l’Angleterre à la Biennale de Venise avec les artistes Lucian Freud et Ben Nicholson. En 1957, la Galerie Rive Droite lui offre sa première exposition personnelle à Paris et un an plus tard une exposition itinérante est consacrée à ses oeuvres en Italie. La première exposition de Bacon à la galerie Marlborough Fine Art à Londres en 1960 remporte un succès important. Bacon est désormais un artiste établi.

Francis Bacon, Self Portrait, 1987 Huile et aérosol sur toile 35.5 x 30.5 cm Private Collection, New York © The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
Francis Bacon, Self Portrait, 1987
Huile et aérosol sur toile
35.5 x 30.5 cm
Private Collection, New York
© The Estate of Francis Bacon. All rights reserved / 2018, ProLitteris, Zurich
 

Une première rétrospective a lieu en 1955 au Institute of Contemporary Arts de Londres, une autre début 1961 à l’Université de Nottingham. A l’automne 1961, Bacon emménage dans un atelier situé au 7 Reece Mews, où il travaillera jusqu’à sa mort. En dépit de la notoriété croissante de Bacon, l’atelier est petit et modeste.

Les succès rythment les années 1960 et 1970. La Tate Gallery lui consacre une rétrospective en 1962.
L’événement est assombri par la mort de Peter Lacy. Bacon et Lacy s’étaient séparés des années auparavant mais la disparition de son ancien compagnon affecte profondément Bacon. Un an plus tard,
Bacon rencontre George Dyer. Son nouveau compagnon devient un motif récurrent de sa peinture dans les années 1960, ainsi dans Portrait of George Dyer Riding a Bicycle (1966). Bacon atteint de nouveaux sommets artistiques et un glissement thématique s’opère dans son oeuvre: les « furies, dictateurs et papes hurlants »3 font place à des portraits. Dans le quartier londonien de Soho, Bacon passe de longues soirées à dîner avec des amis tels Lucian Freud, Henrietta Moraes ou Isabel Rawsthorne. Ses amis se retrouvent dans ses oeuvres: il travaille à partir de photographies qui lui servent de modèle pour des portraits et des nus. Ainsi, Lying Figure (1969) est basé sur un nu photographique de Henrietta Moraes.

3 Peppiatt 2000 (voir note 1), p. 217 (traduction Maud Capelle).

4 Ibid., p. 215.

L’artiste Isabel Rawsthorne est l’une des amies les plus proches de Bacon. En tant que membre de l’avant-garde parisienne, elle fait figure de lien entre Paris et Londres, ainsi qu’entre Francis Bacon et Alberto Giacometti, leur servant de modèle à tous deux (Bacon la représente par exemple dans Portrait of Isabel Rawsthorne Standing in a Street in Soho, 1967).

La rencontre entre Francis Bacon et Alberto Giacometti a lieu au plus tard au début des années 1960 lorsque le Britannique approche le Suisse dans un café parisien.4 En 1962 et en 1965, les deux artistes se voient plus souvent lorsque Giacometti séjourne à Londres pour les préparatifs et le vernissage de sa rétrospective à la Tate Gallery.

En 1968, Bacon se rend pour la première fois à New York, où se tient une exposition personnelle de ses oeuvres à la Marlborough-Gerson Gallery. En avril 1971, la mère de Bacon décède en Afrique du Sud. En octobre de la même année, le Grand Palais accueille à Paris une autre rétrospective de l’oeuvre de Bacon.
Deux jours avant le vernissage, George Dyer met fin à ses jours dans sa chambre d’hôtel à Paris. Bacon revient sur le suicide de Dyer dans des oeuvres telles In Memory of George Dyer (1971) et Triptych August 1972 (1972). Il peint par ailleurs de plus en plus d’autoportraits.

Dans les années qui précèdent 1980, Bacon passe beaucoup de temps à Paris, où il loue un atelier par l’entremise de son ami Michael Peppiatt. Il approfondit ses amitiés parisiennes, ainsi avec Michel Leiris, dont il fait le portrait (Portrait of Michel Leiris, 1976). Au milieu des années 1970, Bacon rencontre John Edwards, d’environ quarante ans son cadet, qu’il désigne comme son légataire universel.

Avec des oeuvres comme Sand Dune (1983), Bacon revient pour la première fois depuis longtemps au paysage. Sa technique picturale devient plus fine et plus nuancée, tandis que les moyens d’expression sont réduits à un minimum. Plusieurs expositions et rétrospectives internationales à Tokyo (1983), Washington (1989) et New York (1990) cimentent l’ascension de Bacon au rang d’artiste de stature mondiale. En 1985, une deuxième rétrospective a lieu à la Tate Gallery. A la fin des années 1980, Bacon fait face à des problèmes de santé croissants. Lors d’un séjour à Madrid, son état empire dramatiquement et il doit être hospitalisé. Il meurt d’une crise cardiaque le 28 avril 1992.

Outre les sources citées dans les notes, les biographies suivantes ont été consultées:

• Martin Harrison, « Chronology », dans: Id., Francis Bacon. Catalogue Raisonné, Londres 2016, vol.1, pp. 74–101.
http://francis-bacon.com/biography [dernier accès: 18.01.2018].

Citations

Francis Bacon

« J’ai une image générale de ce que je veux faire, mais cela prend forme en travaillant. »

« J’ai essayé de le [l’atelier] nettoyer, mais je travaille mieux dans le chaos. »

« Je suis incapable de travailler dans un atelier bien rangé. Cela serait impossible pour moi. »

« Le chaos, pour moi, fait naître des images »

« Parce que j’ai fait des images que l’intellect ne pourrait jamais produire. »

Source : dans le documentaire The South Bank Show – Francis Bacon produit par London Weekend Television (actuel ITV London),
diffusé le 9 juin 1985 sur ITV

 

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