Marguerite un film de Xavier Giannoli

Magazine

Marguerite par Fabrice Venturini

Ponctué de cinq chapitres, « Marguerite » est un film qui s’écoute autant qu’il se regarde ; un film à l’esthétique « naturaliste » où chaque portion de vie s’étoffe de mélodies intermédiaires : sentimentales, musicales, in fine, quasi transcendantales…

Une réussite donc, où le talent de Catherine Frot explose comme rarement.

Xavier Giannoli signe un film d’une grande justesse où âmes égarées, non-dits, bienveillance et mensonges mêlés composent le portrait d’une femme aimante, et paradoxalement préservée.

Il faut voir « Marguerite » pour cela : pour sa sublime cruauté feutrée autant que pour cette femme prête à tout pour être regardée.

Et dans cette partition, tout sonne juste, personne ne chante faux.

C’est à une véritable symphonie organique que Giannoli nous convie.

« Marguerite », de Xavier Giannoli, avec :
Catherine Frot
André Marcon
Michel Fau
Christa Théret
Denis Mpunga
Sylvain Dieuaide
Aubert Fenoy
Sophia Leboutte
Théo Cholbi

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 Entretien avec Xavier Giannoli

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Comment est né ce film ?

Il y a une dizaine d’années, j’ai entendu à la radio la voix d’une improbable chanteuse d’Opéra qui interprétait « La Reine de la Nuit », de Mozart, mais en chantant totalement faux.
C’était très drôle, saisissant… L’enregistrement était grésillant, ancien et mystérieux, comme « venu d’ailleurs ».

Qui était cette chanteuse ?

J’ai découvert qu’elle s’appelait Florence Foster Jenkins et qu’elle avait vécu aux Etats-Unis dans les années 40. Elle était riche, passionnée de musique et d’Opéra et surtout parfaitement inconsciente de la splendide fausseté de sa voix.
Elle avait l’habitude de chanter devant un cercle d’habitués et jamais personne de son entourage ne lui avait dit qu’elle chantait complètement faux, par hypocrisie sociale, intérêt financier ou simplement lâcheté… La situation était déjà très amusante, avec quelque chose de cruel que j’avais envie d’explorer.

Vous avez donc fait une enquête…

À New-York, j’ai trouvé beaucoup de coupures de presse évoquant son improbable « carrière », son excentricité. On évoquait même un grand concert à la fin de sa vie où elle a chanté devant la salle immense du « Carnegie Hall ». J’ai aussi trouvé un enregistrement où elle interprète plusieurs airs classiques, toujours avec la même maladresse hilarante. Sur ce disque, il y avait une photo d’elle avec des ailes d’ange dans le dos et un diadème de reine sur la tête. Elle offrait un sourire à la fois innocent et confiant à l’objectif.
Cette expression m’a longtemps intrigué… Alors, j’ai écouté ce disque en boucle pendant des années en pensant à ce sourire et en laissant mon imagination s’emparer des éléments de mon enquête. J’ai écrit une première version puis je suis parti faire d’autres films en gardant toujours cette photo sur moi et cette mystérieuse voix dans ma tête. Je sentais que cette voix brisée avait quelque chose à me dire, un secret.

Marguerite n’est donc pas un biopic…

Non, c’est une évocation libre d’un personnage qui a vraiment existé. C’est assez comparable avec le travail que j’avais fait pour à L’ORIGINE : je commence par une enquête fouillée, je me documente énormément, puis j’écris une histoire romanesque en en parlant avec ma complice Marcia Romano pour trouver les lignes de forces de l’histoire. L’important, c’est d’avoir un regard personnel, de proposer un point de vue sur la vérité humaine qui s’exprime dans un destin aussi original… et après de se sentir libre d’en faire du cinéma.

Ma conviction, c’est qu’on a besoin de la fiction pour essayer de comprendre et sentir la réalité du monde et des êtres. Je ne pourrais pas me contenter d’une approche documentaire ni d’un pur travail de fiction. D’ailleurs quelque chose du personnage se cherche là : entre la vérité et le mensonge, la vie de l’acteur et ce qu’il joue, l’invention de soi-même.
Sur le tournage, j’ai appris qu’un biopic hollywoodien était en projet. Cette démarche n’aurait de toute façon jamais été la mienne.

Pourquoi avoir choisi de transposer l’histoire
dans la France des années 20 ?

Pendant mes recherches, j’ai découvert à la bibliothèque de l’Opéra de Paris des photos de Divas du début du siècle. Des femmes magnifiques jouant dans un style très « expressionniste » des tableaux vivants d’Opéras célèbres. Je découvrais ces femmes sublimes en écoutant la voix disgracieuse de ma Diva qui chantait faux. Ce contraste était drôle et féroce, poétique aussi... Ma chanteuse se rêvait l’une d’elles mais n’en avait aucune des qualités vocales. C’est là que j’ai eu l’idée des photos et que le coeur du film s’est mis à battre.
On sait aussi que les années 20 sont un moment important dans l’aventure de la liberté tant en art qu’en matière de moeurs. Je voulais que mon personnage s’arrache à quelque chose d’un ancien monde qui l’a empêché de s’accomplir et du nouveau qui va la perdre. Je cherchais un mouvement, à la fois ample et intime.

Qu’est-ce qui vous touche chez Marguerite ?

J’aime les personnages à idée fixe, les obsessionnels, car ils entraînent tout le film dans leur mouvement et lui donnent une tension, un rythme, un point de fuite. Marguerite vit une passion, dans tous les sens du terme : l’apprentissage de la souffrance et le bonheur de vivre pour la musique.
Elle chante divinement faux mais on sent qu’elle exprime un besoin rageur de vivre.
Marguerite nous ressemble car nous avons tous besoin d’illusions pour vivre.

Elle incarne aussi quelque chose d'unique,
de perdu : la passion désintéressée pour
l'Art.

Hélas, la passion ne valide pas le talent, cela n’a rien à voir.
J’écris ce personnage après avoir passé 40 ans et vécu pas mal d’épreuves douloureuses ces dernières années. J’avais besoin de trouver par l’humour une distance avec ce que la vie peut avoir de difficile, avec le sentiment de trahison ou d’échec, les hypocrisies et les méchancetés de la vie sociale, le lointain écho de mon éducation chrétienne qui ne simplifie pas mon rapport à la souffrance, et puis ce doute qui grandit... J’avais besoin de rire de tout cela !
Quand Marguerite chante, c’est aussi pour moi un cri de vie libérateur.

Vous avez le sentiment d’avoir réalisé une
comédie ?

Il y a quelque chose d’hilarant à la voir chanter faux des grands airs classiques ou risquer sa candeur désarmante au milieu des cyniques.
Mais le film est d’abord une histoire d’amour entre un homme et une femme qui cherchent comment continuer à s’aimer. Alors oui, j’espère que l’on a envie de rire en suivant les aventures de Marguerite, mais j’espère également qu’entre deux rires, c’est aussi toute la vie humaine qui s’évalue : le désir et la mort. Marguerite finira dans les bras de l’homme qu’elle aime et qui l’aura aimée trop tard, comme dans un Opéra. C’est la cruauté qui empêche le mélodrame complaisant ou la comédie facile.

Quand avez-vous pensé à Catherine Frot
pour interpréter Marguerite ?

Je voulais une actrice qui imposerait une évidence physique, comme dans le cinéma américain que j’aime, et qui pourrait incarner la naïveté tout en n’étant plus une jeune fille. Il y a chez Catherine un scintillement juvénile et honnête, une générosité offerte qui la met en danger au milieu des cyniques et donc met les scènes sous tension. Elle a aussi une aura populaire qui approfondit l’émotion du personnage en marquant sa différence avec les dignes aristocrates de son milieu qui la méprisent et les Divas intouchables de ses passions. J’ai observé Catherine dans beaucoup de films mais le vrai déclic a été de la découvrir au théâtre dans OH LES BEAUX JOURS… de Samuel Beckett. Je me souviens d’une scène hilarante où elle parle avec une fourmi et d’un coup Marguerite était là, sans aucun doute. Soudain, en voyant la fourmi, elle dit : « Mais il y a de la vie, là ! » et c’était devenu une évidence.

Pour elle aussi ?

Elle a tout de suite accepté le rôle et nous avons combattu pendant de longs mois pour réussir à financer le film, en faisant beaucoup de sacrifices, en cherchant des solutions. Cela m’a touché qu’elle se réserve pour ce projet. Je crois que ce rôle est
important pour elle mais je ne veux pas savoir exactement pourquoi. J’espère que le public pourra ainsi la redécouvrir au cinéma. Les acteurs ont un éclat particulier quand ils se font rares.

Elle a d’ailleurs rarement joué ce type de
personnage et d’émotions.

Je voulais aussi l’amener à se dépasser, à s’abandonner à des scènes d’émotion ou de folie inédites pour elle. Car le film est d’abord un portrait de femme à un moment fragile de sa vie. Sur le tournage, elle invente, elle propose, et surtout elle m’oblige à être simple et concret.
Elle sait que quelque chose du cinéma se joue là, dans ce qui va circuler entre les corps des acteurs, leur simple présence physique, l’évidence de leurs gestes. Et il y a des regards d’elle qui continuent de me bouleverser, comme quand elle vient de découvrir que son mari la trompe depuis des années et qu’elle lui caresse le visage en disant simplement « Mon mari… ».
Je crois que sa performance est vraiment habitée, troublante, en trouvant une harmonie entre des registres a priori dissonants : le rire et l’émotion.

Vous avez choisi les autres comédiens
après avoir choisi Catherine ?

André Marcon est un immense acteur et j’étais heureux de lui proposer ce rôle. Il impose une force tout en jouant un personnage d’abord assez lâche et faible, menteur comme un homme. Il a une présence saisissante avec cette voix si profonde et complexe, une séduction virile avec son manteau d’ours et ce regard parfois débordé par une sensibilité que l’on découvre finalement « à vif ». C’est un des pouvoirs angéliques de Marguerite : rendre les êtres qui l’entourent à eux-mêmes, les sauver des mensonges de leur vie en sacrifiant la sienne.

Son mari n’est-il pas le premier « spectateur
» de Marguerite, son complice ?

Le mensonge est un spectacle qui se joue à plusieurs.
Et c’est un lien très cinématographique car il embarque le spectateur dans sa logique, sa folie… Et je pense que le pouvoir de manipulation des mots ou des images est un thème qui traverse le film jusqu’à aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons. Celui de l’illusion publicitaire, du mensonge politique, du bain d’images dans lequel nous vivons cette « société du spectacle »… C’est à ce moment précis que j’écris ce personnage, son rapport trouble à la réalité son épreuve de vérité.
Marguerite réussira finalement à faire rentrer son mari dans sa dernière photo de Diva, dans son mode d’illusion.

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Comment avez-vous pensé à Michel Fau ?

J’ai écrit le rôle pour lui, avec sa voix dans la tête. De son « Récital emphatique » à ses mises en scène de Guitry ou Montherlant, j’ai toujours eu pour sa liberté et son éclectisme beaucoup de respect et d’admiration. Je me suis rarement autant amusé à inventer un personnage avec un acteur. Atos Pezzini (hommage à mes origines corses) est odieux et pourtant attachant car Michel a trouvé comment le rendre complexe et imprévisible. Après la première audition au château, quand il se retrouve dans la voiture avec Madelbos, il a une façon de dire « Chez moi, à Boulogne… » où on sent la profonde solitude de cet animal social drôle et décadent.

Il y a aussi beaucoup de seconds rôles
assez déroutants…

Le rôle de Madelbos le chauffeur-photographe est joué par Denis Mpunga, un acteur belge à qui je veux rendre hommage car il donne une profondeur saisissante à ce personnage qui est d’abord un être d’écoute et de regard. Marguerite est sa muse et un lien assez délirant et inquiétant les unit. C’est lui qui l’emmènera au bout de son destin de Diva improbable. Son personnage interroge aussi ce qu’est la création. Il sublime la vie de sa muse en l’entraînant dans une mort digne de l’héroïne qu’elle a toujours rêvé d’être. Je ne sais pas s’il la tue ou s’il la sauve… mais il aura accompli leur « oeuvre ».
Après, de Christa Théret à Sylvain Dieuaide, Aubert Fesnoy ou Sophia Leboutte la femme à barbe et tous les autres, nous avons travaillé un peu comme un orchestre autour de Catherine. Je crois qu’un casting est d’abord riche d’acteurs que l’on n’a pas ou peu vus au cinéma. Les seconds rôles sont les premiers qui donnent un sentiment de vérité au film et je voulais qu’ils soient tous forts, inattendus.

C’est votre premier film « en costumes ».

Mon film précédent se déroulait dans l’univers des médias contemporains et essayait de capter quelque chose de la modernité qui me fascine et m’effraie. J’étais heureux de tout changer et de m’aventurer dans un univers radicalement différent. Je n’ai pas voulu faire une reconstitution mais une évocation personnelle de cette époque. Il y a ce château improbable de Marguerite, comme une bulle blanche et protectrice, qui contraste par exemple avec les bureaux « modernes » aux lignes droites et épurées du journal où elle apparaît immédiatement décalée, dépaysée. Mais je crois que ce travail reste simple et retenu. Ce que l’histoire a d’intemporelle m’intéresse davantage qu’une reconstitution hollywoodienne dont je n’ai de toutes les façons pas les moyens. Les films d’époque minimalistes sont souvent les plus beaux.
D’ailleurs, très vite, j’ai eu l’idée du grand rectangle noir devant lequel son professeur fait travailler Marguerite. Un fond abstrait, hors du temps et des époques, comme pour revenir à l’essentiel : la vérité du personnage. De la même façon, j’ai voulu épurer les lignes des costumes, être simple et élégant, en harmonie avec les personnages ou leurs humeurs, sans jamais aucun pittoresque « années folles ».

Le travail de la lumière semble aller dans le
même sens…

Avec le directeur de la photographie flamand Glynn Speeckaert, nous avons voulu une image sans trop de couleurs, épurée et contraste, avec parfois des tâches rouges-sang : le foulard de la maîtresse, l’éventail ou le rideau de l’Opéra qui semblent crier leur couleur comme Marguerite crie sur scène. J’ai besoin de ces effets de rupture, dans les couleurs ou les sons, pour que quelque chose d’organique se mette à vivre.
Nous avons tourné avec des objectifs des années 50 qui diffusent sensiblement la lumière et donnent au film une texture singulière avec parfois des reflets inattendus, comme des éclats, des dissonances dans l’image que je voulais ainsi garder « vivante ».

Comment avez-vous choisi les musiques ?

Il y a d’abord le répertoire de Marguerite, fait des grands airs d’Opéra qu’une très grande soprano doit avoir chanté, comme « Casta Diva » dans Norma de Bellini. Des airs très techniques qu’elle est bien sûr parfaitement incapable d’interpréter... Mais je voulais aussi que le film soit une expérience musicale « totale » qui corresponde à mes goûts et ce que j’avais envie de partager. Il y a de la musique baroque avec Vivaldi ou Purcell, du jazz, des harmonies plus « modernes » avec Poulenc ou Honegger, du didgeridoo australien et de la musique indienne, un piano que l’on fracasse à coups de hache ou sur lequel on joue du Bach, du Mozart réinterprété par les Swingle Singers a capella ou encore King Arthur de Purcell réorchestré par le grand Michael Nyman, les cris d’un paon ou les explosions des moteurs, et enfin les sublimes et inédites dissonances de la voix de Marguerite, comme un trou noir où tous ces sons se perdent… ou se rassemblent.
Je ne sais pas.

Comment avez-vous « inventé » la voix de
Marguerite ?

Catherine a longtemps travaillé avec une grande professeur pour trouver une attitude, des gestes, un visage de chanteuse lyrique.
Car même si elle chante faux, Marguerite travaille énormément et cela devait se voir…
Le problème, c’est que Catherine a une très belle voix et qu’elle prend depuis longtemps des leçons de chant alors que moi j’avais besoin d’un chaos à la fois hilarant et émouvant, ce qui est techniquement très compliqué. Comme pour une cascade, la voix de Catherine avait besoin d’une doublure quand cela devenait trop dangereux pour sa gorge. Une « vraie » chanteuse nous a donc prêté sa voix et nous avons beaucoup travaillé pour trouver l’émotion et la drôlerie que je cherchais dans chaque dissonance. Avec les ingénieurs du son, nous avons ensuite fait un gigantesque travail pour qu’à l’écran Marguerite incarne sans aucun doute possible cette voix si particulière à laquelle je veux aussi garder pour le public sa part de secret, de mystère.

Enfin, vous avez souvent utilisé des
références à la musique, comme la
dissonance, pour parler de votre travail sur
ce film.

Dans la vie, la musique ou la mise en scène, je crois qu’il est d’abord question d’harmonie ou de désaccord, entre les corps qui se déplacent ou les sentiments qui se cherchent, entre la vie dont on rêve et celle que l’on a.
Film après film, je veux aller à l’essentiel, faire des choix qui me permettront de créer au montage des rapports d’intensité, des mouvements dramatiques ou des ruptures visuelles. J’essaye de ne rien m’interdire, ni des moments de captation des surprises du tournage, ni des mouvements très construits par exemple de montage parallèle en musique.
Alors, je tenais à finir le film sur un oeil, un regard. Car c’est bien des moyens du cinéma dont j’ai besoin pour faire vivre mon histoire, pour essayer d’emporter le spectateur comme Marguerite se laisse prendre par la musique.
J’ai consacré ma vie au cinéma et à chaque film je ressens comme mes personnages un trouble, une peur face à la réalité qui fascine mais se dérobe. Je sais que ma mise en scène est travaillée par ce mouvement : un désir d’utiliser les moyens d’illusions du cinéma et une volonté de traquer la vérité humaine du personnage.

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 Entretien avec Catherine Frot

MARGUERITE marque votre grand retour au
cinéma après trois ans d’absence. Comment
êtes-vous arrivée sur ce projet ?

Tout a démarré pendant les avant-premières des SAVEURS DU PALAIS qui est sorti à la rentrée 2012. A l’occasion d’une discussion avec le distributeur, j’apprends qu’ils sortent aussi SUPERSTAR, et moi de préciser que Xavier Giannoli est un des réalisateurs français qui m’intéresse le plus, que j’ai vu et adoré QUAND J’ÉTAIS CHANTEUR et À L’ORIGINE, et que j’aimerais énormément travailler avec lui. L’info a dû lui parvenir car j’ai reçu une première version du scénario de MARGUERITE trois semaines plus tard. Tout est allé ensuite très vite. J’ai invité Xavier à venir me voir sur scène dans OH LES BEAUX JOURS de Samuel Beckett. Je crois d’ailleurs que c’est là qu’il a eu le vrai déclic : quand il m’a vue sur scène dans le rôle de Winnie. Xavier m’a d’ailleurs dit en sortant que Winnie était une cousine évidente de Marguerite.
Je savais que ce film serait long à monter : les décors, les costumes, la reconstitution du Paris des années 1920… J’ai pris le temps d’attendre, de déposer les armes comme on dit. J’avais énormément tourné au cours des dernières années, du coup je me suis consacrée au théâtre avec OH LES BEAUX JOURS… que j’ai joué pendant deux ans. Xavier me tenait au courant de l’évolution du projet. Je sentais que Marguerite serait un rôle extraordinaire.

MARGUERITE est inspirée de la vie de
Florence Foster Jenkins. Connaissiez-vous
son histoire ou sa voix avant de lire le
scénario ?

Non. J’ai découvert cette femme et son histoire au moment de faire le film. Et puis, je n’avais pas envie d’être dans l’imitation, d’autant qu’il ne s’agissait pas d’un biopic.
Pour moi, Marguerite n’est pas Florence Foster Jenkins dont je me suis d’ailleurs très vite éloignée quand il fallu entrer dans la peau du personnage. Je voulais avant tout entrer dans l’imaginaire de Xavier, comprendre comment il travaillait. Il va chercher à la fois de vous et du personnage, il mélange les émotions et le jeu. C’est quelque chose de très particulier que je n’avais jamais expérimenté auparavant dans mon travail d’actrice.
En tant que spectatrice, je crois que seuls les films de Maurice Pialat m’ont apporté une émotion comparable à celle ressentie devant les films de Xavier. Ils ont en commun d’entremêler la fiction et la réalité jusqu’à ce qu’on ne puisse plus distinguer l’une de l’autre. C’est de l’ordre du trouble. J’aime beaucoup ça.

Comment avez-vous préparé ce rôle ?

Xavier m’a envoyé « Les tragédiennes de l’opéra : de Rose Caron à Fanny Heldy, le feu sacré des déesses du Palais Garnier 1875-1939 » qui a été une grande source d’inspiration. Les photos qui illustrent ce livre renvoient directement aux visions de Marguerite en diva, à ses rêves de cantatrice.
J’ai pris également des cours de chant pour me projeter dans « La reine de la nuit » et « Voi che sapete » de Mozart, dans « Casta Diva » de Bellini, et quelques autres encore. J’ai appris ces airs par coeur.
Au début, je pensais que je pourrais tout simplement les chanter faux, mais ils montent tellement haut qu’il faut être vraiment colorature, c’est-à-dire chanter très aigu, pour y arriver et j’ai failli me casser la voix. Xavier a donc décidé que je serais doublée dans les scènes de chant. Il fallait dès lors que je puisse effectuer un playback parfait. Cela restait quand même un travail de chant qui m’a permis de laisser Marguerite m’investir progressivement de l’intérieur.

Qu’est-ce qui est le plus difficile : chanter
juste ou chanter faux ?

Le plus difficile est surtout de bien chanter faux, de trouver ce qu’il y de beau dans le faux. Comme le disent si justement Kyril et Lucien à la sortie du concert privé de Marguerite, au début du film, « elle chante divinement faux, sublimement faux, sauvagement faux ».
Xavier m’a d’ailleurs conviée un après-midi en studio pour apprécier la qualité de la fausseté du chant de la cantatrice qui allait me doubler dans le film. J’en garde un excellent souvenir.

Marguerite se définit aussi par sa demeure
où s’accumulent les costumes et les décors
des opéras qu’elle vénère, ses tenues de
ville et de scène…

La première séance d’essayage des costumes a été déterminante pour moi. Je me souviens que Xavier avait lui-même enfilé le manteau d’ours que porte André Marcon. Le ton était donné, le monde de Marguerite prenait véritablement forme. Ce fut un moment fort et merveilleux.
Pierre-Jean Larroque, le chef costumier, est un véritable artiste, et sa passion pour ce film était extrêmement communicative. Nous avons beaucoup parlé tous ensemble, chacun y allait de ses impressions. Il fallait trouver les robes dans lesquelles je me sentais bien et qui correspondaient à Marguerite. Nous devions aussi choisir les costumes que Marguerite allait utiliser pour ses propres séances photo quand elle se met en scène en diva sous l’œil de Madelbos.
Nous avons d’ailleurs démarré le tournage par ces photos. Cela nous a pris trois jours.
J’avais l’impression d’être dans un rêve, celui de Marguerite qui se transforme en diva de tous les opéras réunis. C’était aussi un excellent moyen d’entrer dans le rôle, dans le monde d’illusion du personnage.
MARGUERITE est un film sur l’illusion. Il y a une réplique qui je trouve résume bien ça : « la vie soit on la rêve soit on l’accomplit ».

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Marguerite est surtout une femme seule,
elle est délaissée par son mari…

La musique est une passion sincère mais aussi un palliatif à son vide affectif. Son mari parle d’elle comme d’un monstre. « Pourquoi a-t-elle besoin de beugler comme ça ? » demande-til à sa maîtresse. Il avoue même qu’il a honte d’elle. Et pourtant Marguerite fait tout ça pour lui. Elle veut qu’il la regarde, elle veut exister à ses yeux.
Marguerite est une femme innocente, une oie blanche prête à être dévorée par les cyniques, et en cela elle est aussi confondante. Elle renvoie les gens qui la côtoient à leurs propres mensonges. Il y a ceux qui veulent se moquer, ceux qui souhaitent profiter d’elle, et au final ce sont eux qui sont touchés, émus. Ils finissent tous par croire qu’elle peut y arriver jusqu’à ce que la réalité les rattrape le soir du concert.

Vous êtes énormément dans l’émotion
tout le long du film. C’est un registre que
vous aviez peu exploré au cinéma. Vous
avez surtout l’image d’une actrice qui sait
amuser le public…

J’ai joué dans des films dramatiques comme CHAOS de Coline Serreau, LA TOURNEUSE DE PAGES de Denis Dercourt et L’EMPREINTE DE L’ANGE de Safy Nebbou, mais c’est vrai que MARGUERITE est à part pour moi. Xavier a voulu cette émotion, ce trouble. Je ne me reconnais pas toujours dans le film : quel drôle de visage j’ai, et pourtant c’est bien moi. Je ressens la profondeur insondable du personnage et dufilm. Cela me touche beaucoup.
MARGUERITE est un grand film d’amour. La construction sous forme de chapitres lui donne aussi une forme de fable.

Justement, Marguerite chante pour mieux
exister, et paradoxalement elle parle peu.
A l’écran, vous êtes souvent à l’écoute des
autres. Une grande partie des émotions
de Marguerite sont muettes. Tout est dans
votre regard, celui de l’actrice…

Oui. Ce n’était pas forcément prévisible au départ. C’est venu progressivement au fil du tournage. Xavier voulait que je sorte de mes sentiers battus. Il est allé chercher une émotion vraiment singulière qui m’a dépassé moimême, quelque chose que j’avais rarement donné. MARGUERITE est pour moi un film très poignant.

André Marcon interprète Georges, le mari de
Marguerite. Vous n’aviez jamais travaillé
ensemble…

Je connais André Marcon depuis longtemps, c’est un grand acteur avec lequel je rêvais de jouer, je l’avais dit à Xavier.

Et Michel Fau qui joue le professeur de
chant de Marguerite ?

J’avais vu beaucoup de ses spectacles, luimême était venu me voir dans OH LES BEAUX JOURS… Nous avions envie de travailler ensemble depuis un certain temps. Il a su rendre Atos Pezzini aussi odieux que touchant, ne serait-ce que la manière dont il complimente Marguerite en même temps qu’il lui dit les pires vacheries. Son personnage est celui de tous les paradoxes.

Le film entier semble jouer sur les paradoxes…

Xavier est un des rares cinéastes qui sache manier les paradoxes avec autant de talent.
Son film est drôle et tragique à l’image du personnage principal : Marguerite est à la fois seule et très entourée, amoureuse et trompée, triste et débordante de vie, touchante alors qu’elle peut prêter aux moqueries. Est-elle si innocente qu’elle en a l’air ? Les autres sont-ils aussi cyniques qu’ils le laissent paraître ? Ce sont ces ambiguïtés qui font la force du film

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